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La réforme du cadre européen de la TVA, nouvelle révolution copernicienne pour les entreprises

Dernière mise à jour:

Par Sébastien Blanchard. Réforme de la TVA. La réforme des règles du détachement des travailleurs, la mise en œuvre du RGPD, sont sous les feux de l’actualité. Gageons qu’un autre dossier européen ne tardera pas à faire également les gros titres.

En effet, le chantier de la refonte de l’espace TVA unique dans l’Union européenne s‘accélère. La Commission européenne a ainsi présenté début octobre une communication de suivi de son plan d’action publié en avril 2016. Ainsi que trois propositions législatives et d’exécution visant à établir les fondements du nouveau régime. Tout en assurant son fonctionnement efficace.

Une modernisation de la TVA devenue urgente

La modernisation du système de TVA de l’Union européenne est un objectif fort. Il est porté par Pierre Moscovici, en tant que Commissaire européen en charge des affaires économiques et de la fiscalité. Une liste de mesures et solutions innovantes adoptées à court et à moyen terme. Certaines ont déjà vu le jour, telles les propositions de modernisation de la TVA pour le commerce électronique transfrontière. Ou encore la proposition sur les taux TVA appliqués aux livres, journaux et périodiques publiés de manière électronique.

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Le régime de TVA européen vu de la capitale

La réforme a un caractère d’urgence. En effet, les Etats membres de l’Union ont enregistré des pertes de recettes de TVA pour un montant total de 152 milliards d’euros en 2015. Pour la France, l’écart de TVA serait ainsi de l’ordre de 12%.

La communication et les propositions législatives de la Commission décrivent les différentes étapes nécessaires à la mise en place d’un espace TVA unique dans l’Union à l’horizon 2022. Elles prévoient la manière d’adapter le système aux réalités du marché intérieur européen, aux développements de l’économie numérique et aux besoins des PME. Elles font également le point sur les actions déjà engagées et exposent les nouvelles mesures techniques présentées au printemps 2018.

Un régime de TVA définitif fondé sur la taxation dans l’Etat de destination

Les échanges intra-Union entre entreprises (« B2B ») s’adosseront à un système de TVA définitif, qui viendra remplacer le régime « transitoire » actuel. L’adjectif est largement inapproprié. En effet, le régime instauré il y a 25 ans est intrinsèquement obsolète. Qui plus est face aux nouveaux modes d’échanges et de consommation et au passage au numérique de l’économie.

Le nouveau système définitif se fondera sur le principe de taxation dans l’Etat membre de destination. Cela signifie que les biens faisant l’objet d’une opération transfrontière seront à l’avenir taxés dans le pays où ils sont consommés et au taux d’imposition du pays de destination, plutôt que dans le pays où ils sont produits. C’est donc à une vraie révolution copernicienne que les entreprises devront faire face.

De manière pratique, le fournisseur devra facturer la TVA à son acquéreur au taux en vigueur dans l’Etat membre d’arrivée des biens. La TVA se déclare et se paye dans l’Etat membre dans lequel le fournisseur est établi. Cela par l’intermédiaire du mécanisme de guichet unique en ligne. Un mécanisme déjà actif depuis janvier 2015 pour la fourniture de services électroniques transfrontière.

Les étapes de cette transformation

Deux grandes étapes jalonneront cette importante transformation, assurant une transition douce pour les administrations fiscales et les entreprises. Tout d’abord, le régime appliqué aux livraisons intra-Union de biens entre entreprises. Au cours de cette étape, le principe de taxation dans l’Etat membre de destination se tempère. En effet, si l’acquéreur est certifié en tant que contribuable fiable par son administration nationale (statut d’« assujetti certifié »), alors il continuera à être redevable de la TVA sur les biens achetés de manière transfrontière.

Ensuite, dans un délai de cinq années et après évaluation du fonctionnement de cette première étape, le régime de TVA définitif s‘étendra à toutes les opérations transfrontalières afin de couvrir également les prestations de services.

En outre, il existe plusieurs mesures de simplification pour améliorer le fonctionnement du système de TVA actuel, en particulier pour les assujettis certifiés, avant que la mise en œuvre du régime définitif soit complète. Citons ici, la simplification des règles sur la preuve du transport intracommunautaire de biens. Ou encore la simplification des règles concernant les opérations en chaîne.

Selon la Commission, la mise en œuvre de ces mesures ambitieuses permettra de réduire de 80% la fraude transfrontière à la TVA. Les coûts de conformité pour les entreprises se réduiront, à hauteur d’un milliard d’euros selon les calculs de l’exécutif européen.

Sur la coopération administrative, la liberté de fixation des taux et les PME

Un second paquet de propositions abordant ces questions complémentaires apparaît en ces mois de novembre et décembre.   

D’une part, la Commission propose d’améliorer la coopération administrative entre les Etats membres. Les capacités des autorités nationales se renforcent pour accélérer les analyses communes des risques de fraude à la TVA. Tout autant que multiplier les actions de suivi et partager plus efficacement des renseignements avec les organismes chargés de l’application de la législation européenne, en particulier Europol. Cette nouvelle proposition vient complémenter des premières mesures proposées en décembre 2016.

D’autre part, la Commission souhaite moderniser les règles encadrant la liberté des Etats membres en matière de fixation des taux. Couplée avec le nouveau régime de TVA définitif, cette réforme évitera de tirer un avantage indu d’un établissement dans un Etat membre avec un taux de TVA faible.

Enfin, les PME figurent en bonne place dans la refonte. La Commission européenne prévoit un ensemble de mesures de simplification. Il vise à créer un environnement propice à leur croissance et favoriser leurs échanges transfrontaliers.

Perspectives fiscales

L’unanimité des Etats membres étant requise en matière de fiscalité, il nous faut faire preuve de prudence sur le sort réservé à cet ensemble de mesures. En ce domaine, de nombreux serpents de mer européens nous rappellent les difficultés à obtenir des accords sur ces sujets intimement liés aux pouvoirs régaliens des Etats.

Cependant, la préservation des finances nationales et l’avenir du marché intérieur, notamment à travers un accompagnement efficace du marché numérique, sont deux priorités partagées par l’ensemble des pays européens. De plus, rappelons que les ministres des affaires économiques et financières des 28 Etats membres avaient eux-mêmes demandé à la Commission, dès 2012, de travailler sur l’instauration d’un régime de TVA définitif fondé sur le principe de taxation dans l’Etat membre de destination.

L’année 2018 sera donc une année charnière sur ce dossier. La fin de mandature de la Commission actuelle et la sortie du Royaume-Uni de l’Union sont deux éléments incitatifs à une adoption relativement rapide de cette réforme.

Sébastien BLANCHARD

Egemone Consulting

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