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Marché de l’art en temps de crise

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Le marché de l’art accuse de plein fouet la crise du Covid-19. Pour le meilleur et pour le pire, ce pan majeur de l’économie mondiale fait face au reconfinement. Et à son impact profond sur la structuration du marché. Un crève-cœur pour les professionnels de l’art comme les galeristes pour qui l’année 2019 s’était révélée plutôt bonne… Ainsi, le marché mondial de l’art avait bénéficié d’une croissance de 6 %, portant son chiffre d’affaires à 67,4 milliards de dollars (1). En revanche, le premier volet du confinement est venu mettre en coup de frein à cette tendance. Au premier semestre 2020, le produit des ventes publiques mondiales d’œuvres d’art a chuté de 58,3 %. A cela s’est ajouté une baisse du prix moyen de 41,3 %. (2). Pour autant, tout temps de crise pousse au renouveau et le marché de l’art semble ne pas y faire exception…

Un marché de l’art fortement impacté par la crise du Covid-19

D’après l’enquête de mi-année réalisée par Art Basel et UBS, une galerie sur trois a été forcée de réduire ses effectifs dès le premier semestre 2020. Ainsi 38 % des galeries comptant en moyenne 5 employés et un chiffre d’affaires entre 250 000 et 500 000 $ ont dû se séparer d’une partie de leur équipe (3). Dans le même temps, en plus d’une chute du nombre de transactions, 36 % des galeries ont observé une baisse d’environ 43% de la valeur des ventes. Cet état de fait touche encore plus durement les petites galeries, déjà fragilisées par une concentration du marché autour de quelques acteurs internationaux majeurs.

Au-delà de la perte de visiteurs dans les galeries d’art, c’est aussi l’annulation des foires et salons qui explique cette baisse brutale d’activité. Et pour cause, ces événements représentent entre 30 et 80 % du chiffre d’affaires des galeries traditionnelles. Le premier confinement ayant eu lieu au lancement de la période des foires d’art, 74% des galeries étaient d’ores et déjà inscrites dans plusieurs foires. Face à cette situation, le Comité professionnel des Galeries d’Art (CPGA) a publié une étude d’impact de la crise sanitaire sur l’économie des galeries d’art. Il y révèle notamment qu’un tiers des galeries pourrait mettre la clé sous la porte dans les 12 prochains mois.

Néanmoins, il convient de noter qu’outre les chiffres alarmants publiés par les différents acteurs de l’art, d’autres vivent de grandes réussites. A titre d’exemple, une vente aux enchères à l’hôtel des ventes de Bordeaux a fait les gros titres en septembre. Repoussée à cause du confinement de mars, elle a suscité les passions. A cette occasion une nature morte du peintre François Desportes s’est vendue plus de deux millions d’euros (5). A l’origine estimée à 150 000 euros, elle est l’œuvre de Desportes la plus chère jamais vendue au monde. Cette belle vente vient en outre corroborer une tendance de fonds observée ces dernières années : la croissance notable des ventes d’art en province.

Digitalisation et vente aux enchères en ligne, saisir les opportunités

Derrière ces chiffres en chute libre du marché de l’art, se cache une réalité plus encourageante. Et pour cause, pour faire face, les galeries d’art sont nombreuses à avoir revu leur modèle. Le digital a ainsi pris place au cœur de ce marché très confidentiel et traditionnel. En 2019, seuls 10 % des ventes d’art se faisaient en ligne. Avec le confinement, ce mode de commercialisation s’est banalisé pour atteindre 37 % au premier semestre 2020 (3). Déjà courant dans les petites galeries pour faciliter la visibilité des œuvres, c’est pourtant les galeries faisant plus de 10 millions de dollars qui en ont tiré le meilleur parti dès le début de la crise.

Marché de l'Art Tableaux Anciens Galerie
Les grosses galeries ont ainsi multiplié par 5 leur chiffre d’affaires en ligne pour atteindre une moyenne de 38 % des ventes via le digital.

Les galeries ne sont pas les seules à se digitaliser. Ainsi, différentes maisons de ventes aux enchères investissent ce support. C’est par exemple le cas de la maison De BAECQUE & Associés qui peut maintenir son calendrier de ventes aux enchères grâce à la vente en ligne (6). Les séances se déroulent alors à huis clos mais sont retransmises en direct sur des plateformes digitales comme Drouot Digital, Interencheres et Invaluable.

La maison avait déjà pu juger du bien fondé de ce mode de commercialisation lors du confinement du printemps. A cette période, les 14 ventes aux enchères avaient permis de cumuler 1 485 842 € avec les frais.  Pour le second semestre 2020, DE BAECQUE & Associés prévoit une vente aux enchères du second volet de la Collection Colette Creuzevault. L’occasion de rappeler que la vente du premier volet de cette collection avait déjà remporté un énorme succès. Elle avait alors cumulé différents records d’enchères pour un total de 2 607 564 € avec les frais.

Renouveau du profil des acheteurs, vers une ouverture du marché de l’art ?

Avec le nouveau mode de vente que permet le digital, c’est aussi tout un pan de la clientèle du marché de l’art qui se développe. Une aubaine pour un domaine d’initiés où le public est vieillissant. Ainsi, les ventes en ligne drainent des collectionneurs plus jeunes. Les acheteurs nés entre 1980 et 1999 représentent alors près de la moitié de l’audience. Par ailleurs, pas moins de 92% des jeunes amateurs d’art ont déjà effectué un achat d’œuvre en ligne. Près de 30% favorisent d’ailleurs ce mode d’achat aux ventes aux enchères traditionnelles. Chez les précédentes générations, ils ne sont que 10%. (7)

Les ventes aux enchères en ligne permettent donc d’attirer un public plus jeune, ainsi que neuf. Il ouvre les salles d’enchères à des acheteurs nouveaux, étendant par là-même la clientèle du marché de l’art.

Les ventes, que nous avons organisées en live à huis clos pendant le confinement, avaient rencontré un énorme succès et notamment grâce à de nombreux nouveaux clients qui représentaient 48 % des acheteurs.

Etienne DE BAECQUES, commissaire-priseur associé chez DE BAECQUES & Associés

Offrant plus de transparence, gommant les frontières en étant accessible de n’importe quel pays, et prenant une posture moins élitiste, le digital s’impose comme une opportunité réelle pour les galeries et les maisons de vente. Si bien que de nombreux acteurs ont d’ores et déjà prévu de conserver ce format même après le confinement.

Sources :

  1. The Art Basel and UBS Global Art Market Report 2019, Art Basel
  2. Artnet Intelligence Report Fall 2020 , Artnet, automne 2020
  3. Enquête de mi-année 2020, Les temps fort du marché de l’art 2020, Art Basel & UBS Report
  4. Résultat de l’étude d’impact de la crise sanitaire Covid-19 sur l’économie des galeries d’art, Comité professionnel des galeries d’art
  5. À Bordeaux, un record mondial pour l’œuvre de Desportes 
  6. Maintien des ventes aux enchères dont le second volet de la Collection Colette Creuzevault, DE BAECQUE & Associés, communiqué de presse publié le 20 novembre 2020
  7. Le marché de l’art à l’heure du coronavirus ,CASOAR, 16 septembre 2020
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