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Raison d’être des entreprises : bilan de deux ans de Loi Pacte

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La raison d’être des entreprises se déploie grâce aux évolutions du cadre juridique. Depuis un peu plus de deux ans, la Loi Pacte, le Code civil et le Code du commerce intègrent des notions extra-financières aux objectifs des entreprises. On assiste même à la naissance du nouveau statut de société à mission. Le rapport de la fondation Jean Jaurès de mars 2021 (1) étudie l’impact de ces évolutions sur les politiques environnementales, sociales et de gouvernance des sociétés (ESG). La raison d’être permet ainsi de formaliser les actions RSE d’une entreprise. En théorie, elle forme le fil rouge qui assure la cohérence dans les différents aspects de la stratégie. Toutefois, la crise de la Covid-19 donne aussi l’occasion de confronter les annonces au réel. Ainsi que de connaître la perception des parties prenantes sur cette nouvelle façon de concevoir l’entreprise, après deux ans de recul sur la Loi Pacte.

La raison d’être d’une entreprise, une définition floue après deux ans de Loi Pacte

Avant toute chose, il est important de comprendre que la Loi Pacte ne définit pas la raison d’être comme systématiquement basée sur des principes RSE. En réalité, le Code civil reste vague, précisant seulement que la raison d’être doit être “constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité”.

De son côté le Rapport Notat-Senard de 2018 donne une approche différente. Selon lui, la raison d’être est avant tout une quête de cohérence. En ce sens, elle permet de renforcer l’engagement des salariés, en donnant du sens à leur travail. Elle doit donc concilier des enjeux stratégiques pour l’intérêt propre de l’entreprise, ainsi que des enjeux sociaux et environnementaux.

En réalité, il existe autant de définitions de la raison d’être que d’acteurs, selon leurs sensibilités et leurs intérêts. Cela se retranscrit également dans les différentes façons de l’inscrire et de la formaliser dans les statuts des entreprises. Veolia, Danone, Orange, EDF, Icade par exemple se sont prêtées au jeu. Notons toutefois que d’autres n’ont pas attendu la Loi Pacte pour inscrire la RSE dans l’âme de leur entreprise. C’est notamment le cas de Michelin qui l’affiche clairement depuis 2013.

Dans son rapport France Stratégie de septembre 2020, le Comité Impact étudie la typologie des principes inscrits. Ainsi, il note « la prédominance des enjeux sociaux, suivis par les enjeux environnementaux, et dans une moindre mesure les enjeux liés à la gouvernance et à l’économie ». 

Notons également que, très attendues après de longues années de discussion autour des valeurs des entreprises, les propositions faites aux actionnaires bénéficient d’un très large soutien. En effet, elles ont été adoptées à plus de 99 %.

Donner du sens à l’entreprise pour rassembler les parties prenantes

La démarche de raison d’être des entreprises dépasse désormais largement la cadre du sujet de niche. Elle concerne toutes les sociétés, sans distinction de taille ou de maturité. En revanche, elle s’exprime davantage dans les grandes entreprises. Pour cause, le niveau de confiance reste très élevé dans les TPE et PME, où la taille humaine des structures permet aux individus de contribuer à un projet commun. Quoi qu’il en soit, la raison d’être, tout comme la RSE, rebat les cartes et fait naître de nouveaux modèles autour de la notion de capitalisme responsable

Ainsi, elle donne du sens à l’entreprise, témoigne de la volonté des dirigeants et redonne la plus d’âme souvent perdue au cours des décennies. L’occasion aussi de rappeler que les entrepreneurs créent avant tout des entreprises pour résoudre un problème, inventer des solutions. Le versant financier est ensuite seulement fonction de la rencontre réussie ou non avec le public.

En remettant les valeurs intrinsèques de la société au cœur de la stratégie, les dirigeants garantissent une cohérence envers les différentes parties prenantes. Ils apportent également du sens à l’investissement, une façon de créer la préférence. Notons d’ailleurs que certains fonds choisissent de se baser sur des sujets extra-financiers et donc de nouveaux types d’indicateurs. Lesquels poussent donc les entreprises à revoir leurs pratiques et le niveau de transparence.

Dans l’ensemble, la raison d’être se veut donc le reflet d’une “recherche de conciliation entre croissance durable et création de valeur”. Il cherche donc à connecter les intérêts traditionnellement divergents des parties prenantes autour d’un projet collectif.

La raison d’être formalise une orientation à long terme plus riche que la simple quête de rentabilité.

Salariés et grand public, la valeur du sens dans la vie quotidienne

La notion de raison d’être et les actions concrètes prises en suivant sont perçues de façon positive par les salariés. Lesquels sont de plus en plus en quête de sens dans leurs missions et cherche à travailler pour des entreprises en phase avec leurs convictions. D’ailleurs, d’après le rapport de la fondation Jean Jaurès, 75 % des salariés jugent qu’exprimer la raison d’être de leur employeur est important. D’autant qu’ils sont aussi 77 % à estimer que leur entreprise joue un rôle au sein de la société, qui ne se limite pas à la finance.  A ce titre, cette démarche est un facteur phare de motivation et d’engagement.

En parallèle, l’expression concrète de la raison d’être contribue également à renforcer la confiance du grand public en l’entreprise. Elle lui donne un rôle à tenir, des enjeux à long terme. 

Toutefois, au-delà du déclaratif, il est primordial pour les entreprises de mettre en place des actions concrètes. Autrement, l’effet de communication retombe et impacte négativement la réputation de la marque, en interne comme en externe. Ainsi, malgré un accueil positif de la raison d’être, les salariés seraient tout de même 69 % à considérer que la démarche est “avant tout une opération de communication”.

Une raison d’être fondée sur la base d’un dialogue et de dispositifs concrets d’évaluation

Pour être correctement pensée et répondre aux intérêts croisés, la raison d’être d’une entreprise résulte d’un dialogue entre les différentes parties prenantes. Il n’est en revanche pas forcément évident de définir le périmètre des acteurs à considérer. Si les salariés sont souvent mis à contribution, les actionnaires s’avèrent souvent moins intégrés. C’est alors problématique compte tenu d’une part, que les statuts sont votés en AG des actionnaires ; d’autre part, qu’ils sont les apporteurs de capitaux. La raison d’être se doit donc d’être en cohérence avec la stratégie et le fonctionnement de l’entreprise. Dans la recherche du meilleur alignement d’intérêts.

Ainsi, les entreprises doivent également rendre des comptes sur les actions pour mettre en pratique la raison d’être. A l’unanimité, les différents acteurs attendent des dispositifs de mise en œuvre ; des indicateurs clés de performance (KPI) ; une adaptation de la gouvernance.

En ce qui concerne les KPI, ils recouvrent désormais des éléments extrafinanciers. Outre des indicateurs concernant les objectifs sociaux et environnementaux, il convient aussi d’inclure des critères de performance des dirigeants en rapport avec la raison d’être. Côté gouvernance donc, 85 % des sociétés du CAC40 ont ajouté des objectifs RSE détaillés dans la politique de rémunération de leur CEO pour 2020.

Covid, quelles perspectives pour la RSE et la raison d’être des entreprises ?

Là où la RSE et les objectifs financiers entraient souvent en confrontation, on observe à présent un alignement des attentes des actionnaires et des notions de raison d’être et RSE. Pour cause, les investisseurs, les fonds, les clients et les marchés dans leur ensemble y accordent une importance majeure.

Les entreprises avec une politique sociale satisfaisante reçoivent les faveurs des investisseurs. Pour cause, avec les risques liés à la période, de nouveaux enjeux s’ajoutent à un facteur social déjà très important dans la création de valeur depuis 2018 en Europe.

En outre, de nouveaux projets au niveau gouvernemental prévoient de continuer à réviser la démarche de raison d’être des entreprises. Ainsi, Olivia Grégoire, secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale et solidaire, prévoit de réformer la comptabilité des entreprises pour ajouter au bilan financier, un bilan ESG (environnement, social, gouvernance).

Cette vision tout à fait renouvelée de l’entreprise suscite toutefois quelques inquiétudes. Il convient de rester vigilant surtout en période de crise. Pour cause, il serait dommage que les progrès en matière de RSE soient montrés du doigt et accusés d’être responsables de résultats financiers moins agréables.

Sources

  1. “La raison d’être des entreprises : deux ans après, premier bilan”, Fondation Jean Jaurès, étude de mai 2021
  2. Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, Legifrance
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